Les changements globaux, qu’ils soient climatiques ou sociétaux, nous forcent à adapter notre manière de gérer les forêts. Les certitudes du passé sont remises en cause. Les signes de faiblesse qui se manifestent chez certains arbres nous font, par exemple, réfléchir à leur place en forêt au vu du climat futur.

À ce titre, le hêtre, une des espèces majeures de nos forêts, a été passé sous la loupe de la dendrochronologie. L’idée de base est d’analyser comment la croissance des hêtres a été affectée dans le passé par les événements climatiques stressants (sécheresses de 1976 et de la décennie 1990, canicules de 1948, 1994, 2003) pour imaginer comment elle pourrait se comporter dans le climat futur, qui, selon toutes les prévisions, verra ces stress se multiplier et s’amplifier.

Les résultats sont surprenants. L’ensemble des hêtraies que nous avons échantillonnées en Belgique (286 arbres sur 35 sites) accusent des diminutions de croissance marquées les années de canicule ou de sécheresse printanière. Ces stress climatiques étant de plus en plus fréquents au cours du temps, la croissance du hêtre a progressivement faibli depuis les 40 dernières années, au fur et à mesure qu’il épuise ses réserves pour réparer les dégâts dans ses vaisseaux et à sa ramure. On peut d’ailleurs penser que les défoliations qui s’amplifient depuis les années 1990 y sont au moins partiellement liées.

À la recherche d’espèces qui devraient mieux supporter un climat plus sec et plus chaud, nous avons analysé la réponse du tilleul à petites feuilles, espèce plus continentale, selon les mêmes méthodes. Cette essence a montré une réaction au changement climatique différente de celle du hêtre. Bien qu’affecté par les années sèches, sa croissance se restaure immédiatement l’année suivante. Globalement, en Wallonie, l’augmentation de la température (dans les limites actuelles) semble lui convenir. On peut attribuer ce comportement à deux caractéristiques qui lui permette de s’adapter à l’inverse du hêtre : un enracinement très puissant et profond qui peut mobiliser des ressources en eau dans les profondeurs du sol et les failles de la roche, et sa capacité à limiter sa transpiration dès que les journées sont trop chaudes, réduisant les pertes d’eau et évitant le dessèchement de ses tissus.

Cet exemple illustre qu’il existe bel et bien des alternatives aux grandes essences de production, trop peu nombreuses, qui dominent la forêt. Cela devrait pousser les forestiers à revoir leurs habitudes pour tirer davantage parti des autres essences d’arbres disponibles. ◆

Chercheur : Nicolas Latte, Philippe Taverniers (ULiège)
Encadrement scientifique : Hugues Claessens (ULiège)